En cette Journée internationale pour l’abandon de l’excision, Tostan, ONG basée en Afrique, a annoncé le nombre de communautés qu’elle estime nécessaire à atteindre pour faire du Sénégal le premier pays à renoncer à la pratique sur le plan national.
Selon les dernières évaluations menées sur le terrain, et grâce à l’analyse de données récentes, Tostan estime que son Programme de Renforcement des Capacités Communautaires (PRCC) devra être mis en œuvre dans 340 nouveaux villages, avant de parvenir à une Déclaration Publique d’abandon de l’excision d’envergure nationale.
Le Plan national pour l’abandon total de l’excision d’ici 2015 du Gouvernement du Sénégal a fait du PRCC l’approche privilégiée pour l’abandon de la pratique dans le pays.
Tostan a concentré son analyse sur les zones clés du Sénégal, où la prévalence demeure élevée, et où il sera par conséquent nécessaire d’intensifier les efforts pour accélérer l’abandon de l’excision. Il s’agit notamment des régions de Kolda (94%), Sédhiou (86,3%) et du Fouta (87,2%).
Depuis 1991, le programme d’éducation de Tostan, basé sur les droits humains et d’une durée de trois ans, a été mis en œuvre dans 2451 communautés du Sénégal. La première Déclaration Publique pour l’abandon de l’excision du pays a eu lieu en 1997 à Malicounda Bambara, un village de l’ouest du Sénégal. Depuis, plus de 5500 villages sénégalais (grâce à leur participation directe au programme de Tostan ou grâce aux stratégies de « diffusion organisée » et de « mobilisation sociale ») ont publiquement déclaré abandonner l’excision.
Si la pratique de l’excision est interdite depuis 1999 au Sénégal, un succès notable a été observé au niveau communautaire ces dernières années grâce à la mise en œuvre d’un programme d’éducation non formelle, basé sur les droits humains. Les déclarations publiques d’abandon de la pratique ont joué un rôle clé dans la mesure de ce succès et constituent des serments dans les groupes au sein desquels se nouent les mariages et pour les réseaux sociaux élargis des communautés qui s’engagent.
Les Enquêtes Démographique et de Santé (EDS) donnent les statistiques clés par pays en matière de population, santé et nutrition, ainsi que l’évolution des tendances sur l’excision. La récente enquête menée au Sénégal montre que 60% des femmes âgées de 15 à 49 ans qui ont été excisées affirment ne pas avoir fait subir la pratique à leurs filles âgées de 0 à 9 ans. Cette diminution significative appuie l’hypothèse d’un changement de comportement et d’attitude sur l’excision, induite par le nombre croissant de communautés qui ont participé à des déclarations d’abandon de la pratique.
« L’approche de Tostan, qui consiste à travailler avec les communautés sur les droits humains et sur le « pourquoi » des normes sociales les a conduit à décider elles-mêmes quelles étaient les pratiques qui entravent leur développement. Nous espérons que nos partenaires, et tous ceux qui travaillent avec nous au plan international pourront nous aider à accélérer le mouvement pour l’abandon national de l’excision au Sénégal – nous y sommes presque ». Molly Melching, Fondatrice et Directrice exécutive de Tostan.
« L’excision est en train d’être abandonnée – c’est maintenant qu’il faut faire partie de ce mouvement. Depuis deux décennies, ce modèle extraordinaire et respectueux, qui permet aux communautés d’apprendre, d’abandonner cette pratique néfaste et de diffuser leur savoir déferle en Afrique de l’Ouest. Savoir que seules 340 communautés auraient besoin de participer au PRCC pour initier un mouvement national d’abandon nous donne un nouvel élan pour soutenir cet incroyable mouvement né dans les communautés. Si nous apportons tous notre soutien à cet élan, l’excision pourrait vraiment disparaître en une génération ». Julia Lalla-Maharajh, Présidente et fondatrice d’Orchid Project.
D’une durée de trois ans, le Programme de Renforcement des Capacités Communautaires de Tostan est un programme d’éducation non formelle qui aborde les questions d’hygiène et de santé, de protection de l’enfance, de droits humains et de démocratie, d’environnement, d’alphabétisation et de développement économique. Le mouvement d’abandon de l’excision s’étend au-delà des frontières et connaît une accélération similaire, comme en témoignent la Gambie et la Guinée-Bissau.
Notes
1. Tostan est une organisation non gouvernementale dont le siège social est basé à Dakar, Sénégal. Tostan travaille principalement dans des zones rurales isolées, où est mis en œuvre un programme d’éducation non formelle, visant le renforcement des capacités des communautés sur l’hygiène et la santé, le bien-être de l’enfant, les droits humains et la démocratie, l’environnement, l’alphabétisation et le développement économique. Tostan mène actuellement des activités à Djibouti, en Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Mauritanie, Sénégal et Somalie. Pour plus d’informations : www.tostan.org
2. L’excision est l’ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de la femme pour des raisons non-médicales. L’excision ne présente aucun avantage pour la santé et est susceptible d’entraîner de graves conséquences telles que l’hémorragie, les infections et dans certains cas, la mort. On estime que jusqu’à 3 millions de filles risquent d’être excisées chaque année, sur le seul continent africain. Au Sénégal, 26% des femmes âgées de 15 à 49 ans sont actuellement excisées. L’excision est une norme sociale, renforcée par les attentes de la communauté par rapport au mariage. En faisant exciser leurs filles, les familles s’assurent qu’elles auront la possibilité d’être mariées. Au regard des risques en matière de santé, les conséquences sociales pour une fille non-excisée sont tout aussi sévères : l’impossibilité de se marier et l’ostracisme du groupe social, ou « mort sociale ».
3. L’abandon public de l’excision survient quand des communautés et leur réseau social organisent une cérémonie au cours de laquelle ils déclarent publiquement abandonner la pratique, devant des représentants de toutes les communautés qui s’engagent. Les déclarations permettent de promouvoir une vision unie d’un changement positif. Des leaders traditionnels et religieux, du personnel de santé, des membres du gouvernement, des journalistes et des représentants d’ONG participent aux déclarations publiques. De telles cérémonies publiques surviennent dans les communautés qui ont bénéficié du programme de Tostan ou qui ont été sensibilisées par la « diffusion organisée » ou les activités de « mobilisation sociale ».